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L’Extremadure en camping

Mon idée soudaine de marcher a donné l’envie à des amis de venir me rejoindre. Parmi eux, il y a Vincent. J’ai d’abord été très surprise. Vincent n’est pas vraiment un adepte de la marche, il préfère flâner. Il devait rester une journée, son séjour a finalement duré 10 jours. Non pas qu’il se soit devenu accro à la randonnée mais parce qu’il nous a lancé un défi : faire du camping sauvage en Espagne. Mes yeux ont sitôt brillé. Une sorte de rêve de gosse ressurgissait pour chacun de nous. J’ai accepté d’autant plus facilement que je pensais mieux dormir dehors que dans des auberges où les ronfleurs se donnent la réplique. C’était sans compter la vie nocture dans la campagne espagnole...

La tente et le matelas chargés dans la voiture, nous sommes donc partis sur les routes andalouses. La journée, Vincent travaillait (à la conception de cet espace de blog notamment) pendant que je marchais. Le soir, nous laissions à notre âme de scout le soin de dénicher l’endroit idéal pour un bivouac.

Là où j’ai découvert que l’eau pouvait fleurir

C’est au bord du lac de Posperina. Il fait doux, le soleil s’endort paisiblement derrière les collines, des pêcheurs bavardent poursuivis par leurs ombres de plus en plus immenses, des familles font le tour du lac, des chiens courent dans tous les sens, des ados allument la sono, s’étendent sur une serviette, fument des joints. Ca sent le barbecue, la poussière, l’herbe humide. Nous installons notre petit abri sur les rives du lac ou plutôt, au bord d’un bras du lac, autrement dit, un ruisseau. Nous voulons être discrets. Pas envie d’être délogés à l’aube par la police. Quelque chose danse sur l’eau. Je m’approche. Une rimbambelle de paquerettes recouvre la surface de la petite rivière comme un bouquet tombé de la main d’un enfant. Il faut s’accroupir pour remarquer qu’elles sont toutes liées entre elles par un cheveu d’algue verte. Nous aménageons un petit pont de pierres pour passer sur l’autre rive et faire notre feu. Les fleurs habillent le passage.

Les soirs de pleine lune

Je suis toujours surprise de constater à quel point nos soirées passent vite. Nous nous retrouvons à la meilleure heure, celle à laquelle le vert des champs se change en or. Partout le décor se ranime. J’en profite pour filmer. Les ombres font ressortir les reliefs des chemins terreux, des églises romane. Un cheval au milieu des blés appelle la venue d’un chevalier. Le nid d’une cigogne, perché au sommet d’une tour en ruines, la pièce d’un conte. Puis il faut faire des courses, trouver un lieu à notre tente, rassembler du bois, allumer le feu, veiller à ce que les pommes de terre, les poivrons, la viande cuisent, sans brûler. Quand nous dînons enfin, il est presque minuit, je n’ai pas vu le temps passer.

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Soir de pleine lune, au bord du lac de Zafra. En pleine nuit, de petits plouf répétés dans l’eau. Des ablettes jouent au trampoline à la surface des flots, elles se tortillent dans les airs.

La tente

Trouver un bout de terre disponible pour la tente se révèle parfois compliqué. Non pas que les pâtures manquent, au contraire, elles s’étendent à perte de vue en Extrémadure, parfois couvertes de moutons, parfois de vaches ou parfois habillées d’un simple manteau d’herbe jaunie. Terres arides pelées par les vents. Mais ces immensités sont toutes cerclées par les grillages. Les terrains privés se succèdent. Nous faisons finalement halte sur un champ où les piquets sont tombés. Au milieu de la nuit un chien se met à hurler dans nos oreilles. Il est à un jet de pierres de nous mais il n’approche pas. Soudain, on comprend. Nous avions installé la tente contre une barrière métallique sans penser au troupeau de moutons derrière. Et au gardien des lieux. Il voulait clairement qu’on décampe. L’animal japait une demi heure puis repartait au chevet des bêtes, revenait et s’énervait de plus belle sur nous. ll rouspétait plus qu’autre chose. Ses jappements graves et plaintifs laissaient penser qu’il était vieux et fatigué. On n’imagine pas le travail d’un chien de berger quand on le voit ronfler paisiblement la journée à l’ombre d’un chêne.

Nous n’avons pas beaucoup dormi cette nuit-là, le chien et les habitants de la vallée non plus.

Les carpes

Une plage de sable au bord de l’immense lac d’Alange. Une pente douce, des collines revêtues de gênets et de lavande qui se reflètent sur l’eau. Pas un brin de vent. Une présence autour de la tente. Sans doute une biche. Le bruit s’en va en direction de l’eau. Quelqu’un ou quelque chose barbote dans les flots, comme si la biche prenait un bain de minuit. Le spectacle doit certes valoir le coup mais je n’ose pas sortir. A l’aube, toujours les mêmes bruits dans l’eau. Au bord de la plage, d’énormes poissons gris et laids s’emmêlent et se chamaillent dans à peine 20 centimètres d’eau. Une armada de pêcheurs équipés de cannes derniers cris, déboule. Nous habitons sur le repère des carpes, des black bass, des brochets... et autres carnassiers.

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