Neomad

Picture of Marion Touboul

Jean-Claude et Monique

C’est à l’ombre d’un chêne. Jean-Claude bataille pour ouvrir avec une boîte de haricots verts, sa femme, Monique, passe un coup de téléphone un peu plus loin. On se salue, se sourit, on commence à bavarder.

J’apprends qu’ils sont Bretons et qu’ils ont déjà parcouru ensemble 9000 kilomètres. 9000 kilomètres ? Je crois avoir mal entendu.

Alors Jean-Claude me raconte de sa petite voix douce :

“C’était il y a dix ans. Ma femme voulait fêter la rémission de son cancer. Elle m’a dit “chéri viens, on part à pied Compostelle !”. Ca voulait dire partir trois mois. Alors j’ai été voir mon patron je lui ai dit “voilà c’est ma femme, elle veut qu’on marche jusqu’à Compostelle, donc je démissionne”. Mon patron a sauté au plafond en disant “mais enfin Jean-Claude... tu es tombé sur la tête, tu as plus de 50 ans, tu ne retrouveras pas de travail”. J’ai répondu “Oui mais ... ma femme est en vie alors bon, le reste...”.

Depuis dix ans, Jean-Claude et Monique sillonnent l’Espagne, la France, le Portugal... Quand je demande à Jean-Claude s’ils comptent s’arrêter un moment à Caceres, la prochaine ville, il répond aussitôt “ah non, on s’arrête pas sinon c’est trop dur de redemarrer”. Je devine surtout qu’ils fuient les tentations, leur budget étant serré.

“Oh mais, on se fait des plaisirs de temps en temps ! A Seville, on s’est offert un spectacle de flamenco. C’était sacrément beau. Quel talent ils ont ces Andalous pour jouer des claquettes... A la fin de la représentation, la danseuse, encore tout essoufflée, est venue nous saluer et à accepter de tamponner notre credential. Alors ça, c’était vraiment gentil de sa part”.

Quand je lui demande s’ils comptent atteindre cette fois encore Compostelle, il hésite : “on va essayer mais on n’est plus aussi confiants qu’il y a dix ans. Ma femme ne me dit rien mais je sais que sa jambe gauche l’a fait atrocement souffrir”.

Ce qui fait marcher Jean-Claude et Monique jusqu’à Compostelle cette fois-ci, c’est Valentin, un petit garçon atteint du cancer, ils lui dédient leur longue marche.

Read more from Marion Touboul